Bonjour, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
J’ai suivi un parcours agricole avec un BAC STAV à La Roque, puis un BTS Productions Animales à Pau Montardon. Ensuite, j’ai poursuivi avec une licence Métiers du conseil en élevage laitier. Mon père élevait des vaches laitières brunes et, passionnée par cette production, j’ai naturellement orienté mon cursus vers elle.
Cependant, mon père s’inquiétait de la complexité du métier et de cette production. J’ai tout de même quitté l’Aveyron pour réaliser une alternance en laiterie en Ille-et-Vilaine, avant d’être embauchée en tant que technicienne conseil auprès des agriculteurs pour une laiterie en Mayenne et Pays de la Loire.
Un été, j’ai eu l’opportunité de remplacer un éleveur caprin en Dordogne, et ça a été un véritable déclic ! J’ai découvert une production plus autonome, facile à gérer au quotidien, et j’ai eu un vrai coup de cœur pour les chèvres.
Je me suis installée en mars 2022, après un parcours d’installation initié en 2021. J’ai choisi l’élevage caprin pour ses caractéristiques techniques adaptées à ma situation et pour la facilité de manipulation des animaux, particulièrement en tant que femme.
Pourquoi avoir choisi d’élever des chèvres ?
L’élevage caprin offre une facilité de travail, ainsi qu’une autonomie dans la manipulation des animaux, ce qui est essentiel pour moi en étant seule. Les chèvres sont également des animaux très attachants et intelligents.
Avant de m’installer, j’ai fait appel à des experts pour optimiser les bâtiments existants, afin d’éviter de repartir de zéro. Cela m’a permis de conserver la salle de traite, en l’adaptant de 6 postes (initialement pour les vaches) à 40 postes pour les chèvres.
Depuis trois ans, j’apprends énormément sur l’élevage caprin, notamment en échangeant avec d’autres éleveurs et vétérinaires. Mon père m’aide sur la partie culture car il est beaucoup plus expérimenté et c’est important pour lui de garder un pied sur la ferme tant que cela est possible. J’ai également bénéficié d’un énorme soutien d’Émilie, l’ancienne technicienne natera, qui m’a beaucoup accompagnée à mes début. La disponibilité et les conseils toujours avisés ont installés un vrai climat de confiance qui m’a beaucoup aidé. Aujourd’hui, cette relation se poursuit avec Élodie Vidaillac, qui est également toujours à mes côtés en cas de doute.


Pouvez-vous nous décrire votre exploitation ?
- Système de reproduction : mise bas en février, regroupée pour plus de simplicité. La reproduction a lieu en septembre.
- Pas de lactation longue, car il est important pour moi d’avoir des périodes de creux dans l’année
- Troupeau : 200 chèvres, dont une cinquantaine de chevrettes pour le renouvellement.
- Superficie : 62 hectares de SAU, autonome en fourrage.
- Cultures : 10 ha de céréales pour la paille, le reste est vendu.
- Alimentation :
- Foin de seconde coupe, enrubanné (mélange sainfoin, luzerne, trèfle ou Ray-grass trèfle).
- Toujours du foin de prairie dans la ration
- Deux aliments Natera : Cabra Excellence Sucrine et Gala 730 Amine.
- Pour les chevrettes : Nutristim Terroir.
Je livre toute la production à Lactalis, la transformation directe pourrait aussi m’intéresser, mais seule, c’est très compliqué. Il faudrait soit diminuer le troupeau, soit investir énormément de temps et d’argent, ce qui nécessiterait d’être plusieurs… et ce n’est pas envisageable pour moi pour l’instant.
Je ne souhaite pas dépasser 200 chèvres, car je tiens à préserver mon équilibre de vie. Il est essentiel de bien travailler, mais aussi de pouvoir profiter de la vie, se reposer le week-end, et surtout ne pas se dégoûter du métier en s’épuisant à la tâche.
Mon objectif est d’améliorer la qualité du lait et la production du troupeau, tout en assurant la santé et la pérennité des animaux. Pour l’instant, je ne fais pas de contrôle laitier, d’IA ni de sélection, mais c’est une évolution que je considère à long terme. Depuis peu, je bénéficie également du suivi vétérinaire proposé par Natera, je suis preneuse de bon conseils et j’aime apprendre donc j’ai hâte de travailler avec eux.
Quelles sont les qualités nécessaires pour élever des chèvres ?
Pour moi la priorité est l’Observation, les chèvres sont des animaux fragiles, il faut être très attentif à leur comportement car les pertes peuvent subvenir rapidement. Il faut également être patiente et vigilante, les chèvres sont intelligentes et affectueuse, ce qui demande une approche attentionnée pour bien réagir en cas de souci.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées en tant que jeune agricultrice ?
Le plus difficile a été de prouver ma crédibilité. Lors des rendez-vous pour les bâtiments par exemple, j’ai souvent été confrontée à des réflexions ou à de petits jugements sur ma capacité à suivre les dossiers, réaliser les travaux moi-même, ou conduire un tracteur. Il y a même eu des devis sans mention « Madame », ce qui peut surprendre au début ! Une fille qui conduit un tracteur ça peut encore choquer en 2024, alors il faut s’accrocher et ne pas de décourager.
Il est essentiel de garder ses positions, se faire confiance et se rappeler qu’on est autant capable qu’un homme. Certes, parfois, je mets plus de temps à dételer un matériel, mais avec de la volonté, de la patience et de la persévérance, on y arrive toujours.
Un des secrets c’est aussi de bien s’entourer, j’ai appris qu’il ne faut pas hésiter à demander de l’aide. L’entraide avec les voisins est essentielle, surtout quand on est jeune et qu’on s’installe seule. Au départ, sur mon secteur je n’ai pas hésité à rendre visite à mes voisins afin de leur demander de l’aide si besoin et je suis contente aujourd’hui de pouvoir compter sur eux et inversement. L’entraide existe encore dans le monde agricole et c’est très important.
Avez-vous des projets pour l’avenir ?
L’un des grands projets au départ a été la construction d’un bâtiment de stockage, qui représentait un gros investissement. À l’avenir, je souhaiterai automatiser la distribution d’aliments, aujourd’hui je possède un couloir central qui était important à mes yeux pour garder un contact visuel avec les animaux tout en optimisant le temps de travail. Cependant, la distribution de l’aliment se fait au seau, ce qui devient vite physique ! À terme, j’envisage aussi une automatisation de la distribution et du paillage pour réduire les tâches physiques les plus contraignantes.
Beaucoup de travaux ont déjà été réalisés sur les bâtiments : nous avons tout mis à nu, amélioré la ventilation, et enlevé les éverites pour assurer un meilleur confort thermique.
Dès le départ, j’ai réalisé des investissements importants sur l’équipement de la salle de traite, car c’est un outil dans lequel on passe beaucoup de temps. Maintenant, je souhaite travailler sur la mécanisation de l’alimentation !